Un Balcon en Forêt
S'il ne restait qu'un livre, ce serait Un Balcon en Forêt, de Julien Gracq.
Un véritable chef-d'oeuvre.
L'Activisme forcené de l'Homme moderne, sa culture de l'effort, le souvenir du mal qu'il a pu avoir à se défaire de réflexes de protection enfantins, tout en lui se hérisse d'abord dans un réflexe épidermique, à la lisière de ce récit obstinément immobile, contaminé (de bout en bout) par l'imparfait d'habitude et les descriptions.
A la première allusion à la guerre, à quelques pages de l'incipit, je me suis méfiée, mais j'ai choisi de continuer à progresser prudemment, avant de réaliser combien la guerre existait peu, combien elle ne pouvait avoir de prise sur la Forêt.
Alors, mes résistances ont faibli, j'ai baissé la garde et pénètré par paliers dans ce roman où rien ne se passe, où tout prend le caractère essentiel de l'ornemental comme dans une bulle protectrice, avant de retrouver en plein la douceur du cocon, de m'abandonner tout entière au réflexe régressif contre lequel on lutte tous les jours.
Dans ce récit dépourvu d'actions, tout finit par prendre une importance capitale, à commencer par les descriptions, qui font de la Forêt le véritable personnage du roman.
Pas de morceau de littérature plus magique que l'apparition de la jeune fille-fée au loin, sous l'averse, dans la forêt.
Rien de magique comme le pouvoir du narrateur de transfigurer le réel et le quotidien en histoire à faire dormir les enfants.
Rien de rassurant comme sa capacité à nier la laideur pour être, en pleine guerre, obstinément poétique.
Rien de courageux comme son opiniâtreté à refuser l'action pour rester hors du temps.
Rien d'émouvant comme son Regard sur la forêt.
Je ne vous livrerai pas une seule citation, je ne veux pas brader ce chef-d'oeuvre.
Lisez-le.
Moi j'ai gagné un supplément d'âme, j'ai renoué avec une sensibilité enfouie, je me suis prélassée de ligne en ligne, et je suis heureuse d'avoir pu faire partager ce moment de bonheur pur à mon petit Victor.
(JB) si si c'est JB, c'est dingue comme i peut s'la péter çui là !