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Clochette et Jibé lé la !
3 avril 2007

Un extrait exclusif du texte en chantier !

    Je suis née à Boulogne, d’une mère portée stérile, entre les murs feutrés d’une clinique pour millionnaires. Ma mère a gardé la marque de ma venue au monde.

La cicatrice, large de deux centimètres et haute de quinze, a sectionné l’idée même d’un muscle à cet endroit du corps et, labourant positivement le ventre, a engendré la formation de deux renflements de chair sur les côtés. Fière abomination, elle se dresse verticalement du sexe jusqu’au nombril.

Longtemps cette marque _à mi-chemin entre stigmate et boucherie_ a retenu mes regards sur cette partie du corps de ma mère. L’union du giron _centre chaud de la vie_ et de la lame m’a paru d’une violence extrême, extrêmement édifiante, absolument désespérante.

Une naissance qui ressemblerait à une blague dont on cherche le comique. A quelques centaines de mètres du Parc des Princes où la foule, peut-être, s’était amassée pour un match, ma mère m’enfantait seule, à un âge improbable, au bout d’une grossesse qu’elle n’attendait plus, dans une ville qu’elle n’habitait pas.

 Je n’ai guère cherché à élucider le mystère de ma naissance et me suis contentée de composer, pièce par pièce, un tableau, à partir des morceaux épars que je ramassais, tombés des bouches qui m’entouraient.

 Les photos de cette époque montrent un couple d’une beauté surnaturelle. Ce qui frappe d’abord sur ces clichés, c’est le contraste saisissant entre mes deux parents. Beauté nordique, ma mère a le teint diaphane et les traits fins. De nombreuses taches de rousseur ponctuent la partie médiane de son visage. Sa longue chevelure blonde est ramassée en un chignon très classique, très élégant et très bourgeois. Elle porte des jupes longues et vaporeuses, des robes fluides qui glissent sur elle. Aucun détail de son visage n’arrête le regard, mais de l’ensemble se dégage une douceur, une magie, une féminité infinies.

Mon père a la beauté du diable. Des mèches souples et luisantes d’un noir de jais, au mouvement exactement séduisant. Une lueur de malice brille du fond de ses yeux noirs. Son regard à l’objectif est appuyé. Il semble dire « Regardez-moi », et il attire comme un aimant. Mon père-des-clichés aime à rehausser son physique ténébreux d’un costume blanc qu’il porte avec une désinvolture parfaite.
    Comme une plaisanterie au milieu d’une composition absolument romantique, la masse informe et rouge qu’un ange tient sur ses genoux c’est moi.

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